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Divorce sans juge : ce qui va changer pour les notaires

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Le divorce par consentement mutuel sans juge entrera en vigueur le 1 er janvier 2017. Qu’est-ce que cela impliquera de nouveau pour les notaires ?
Le divorce par consentement mutuel sans juge entrera en vigueur le 1 er janvier 2017. Qu’est-ce que cela impliquera de nouveau pour les notaires ?
Il y a 41 ans, la loi du 11 juillet 1975 créait la procédure de divorce par consentement mutuel.
Aujourd’hui, la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle supprime le recours au juge pour cette forme de séparation des époux. Le divorce pacifié devient un divorce « déjudiciarisé ».
En pratique, chaque époux conviendra du divorce et de ses effets dans une convention qu’il signera avec son avocat. Au-delà de l’obligation pour les deux époux de recourir à un avocat distinct alors qu’ils pouvaient auparavant prendre un conseil commun, rien ne change fondamentalement sur ce point précis : les avocats continueront d’exercer à cette occasion leurs compétences de juristes et de conciliateurs.
Nouvelle fonction
La vraie novation réside dans la disparition du recours au juge et l’attribution au notaire d’une nouvelle mission.
Le juge ne prononcera plus le divorce. C’est chez le notaire que l’acte de divorce recevra sa force légale.
Le notaire est déjà fortement impliqué dans la procédure de divorce, notamment pour liquider les intérêts matrimoniaux des époux à la demande du juge, des avocats ou des parties elles-mêmes. Il conservera bien entendu ces missions.
Mais il interviendra désormais aussi en fin de procédure pour déposer, à la requête des ex-époux, leur convention de divorce au rang de ses minutes et pour lui donner ainsi force exécutoire, c'est à dire effet immédiat entre les époux sans aucune procédure judiciaire.
En cela, le législateur a entendu attribuer au notaire une partie de la fonction précédemment dévolue au juge de vérification de la régularité de la procédure. Cette vérification qui va être réalisée par le notaire pour un coût symbolique sera en principe simplifiée. Mais elle aura une portée réelle. En cas de difficultés particulières, le notaire pourra recevoir les parties voire demander lui-même à les rencontrer, avec leurs avocats, et au besoin les inviter à une régularisation de la situation avant que le divorce n'intervienne définitivement.
"Magistrat à l'amiable"
La réforme consacre à nouveau le statut particulier du notaire, professionnel libéral du droit mais aussi détenteur d’une parcelle de la puissance publique. Cette double fonction lui confère traditionnellement un rôle d’auditeur de la légalité des situations qu’il connaît. Il est, en cela, un « magistrat de l’amiable ».
Les notaires devraient se réjouir de cette nouvelle reconnaissance de leur identité particulière au sein de notre société, à l’heure où la réforme de leurs conditions d’installation et de leur tarif se met en œuvre difficilement.
Il ne faut donc pas se méprendre sur la mission qui leur a été confiée en matière de divorce. Certes, il ne s’agit pas, pour ces professionnels, de prendre la place de l’avocat, celle du juge ou celle de l’officier d’état civil. Mais ceux qui voudraient positionner l’intervention des notaires par référence à celle d’un greffier se tromperaient également. Les notaires ne l’accepteraient pas, mais les époux non plus. Car le divorce reste un acte grave.
"Une intervention de l'État assurée par le notaire"
On peut être d’accord pour divorcer, mais cet accord ne peut rompre le mariage par le seul effet d’un accord contractuel. Au-delà du lien entre deux personnes, c’est une famille qui se défait, avec souvent des enfants, c’est une institution sociale qui est supprimée. Cela rend nécessaire une intervention de l’Etat que le notaire va assurer. Un peu comme au moment du mariage, et probablement parce qu’il n’y a pas davantage d’accord total, que de divorce heureux, avec ou sans enfant, le contrat de divorce doit être enregistré par un délégataire de l’autorité publique.
Il n’était certes plus utile de compliquer le divorce par le maintien de procédures inutilement complexes. Mais il ne fallait pas davantage banaliser le divorce au risque de banaliser encore plus un mariage concurrencé, déjà, par le PACS.
Les difficultés de la justice ont conduit au retrait du juge en matière de divorce et l’évolution de notre société le rend acceptable par l’opinion. Mais à la condition d’une solennité protectrice. Au-delà des termes de la loi, l’application concrète de la réforme du divorce par consentement mutuel permettra de refléter la capacité de notre société et de ses communautés juridiques à régir ses relations civiles sans le recours au juge.
Pascal Chassaing
Président de la Chambre des Notaires de Paris